Il était rassurant de voir que certaines choses ne changeaient pas. Qu'importent les siècles, le cirque restait le cirque. Certains aspects s'étaient modernisés depuis l'époque où Amalrich avait trouvé refuge dans un endroit similaire lors de la fin de son adolescence, mais, dès ses premiers pas vers le chapiteau, le Prussien avait senti que l'essence même du cirque demeurait intacte. Il aurait pu se laisser envahir par la nostalgie, s'il ne voulait pas autant étouffer et renier cette partie de sa vie humaine.
En revanche, il y avait d'autres choses qui perdaient de leur superbe avec le temps. À son grand désarroi, l'uniforme militaire qui faisait sa fierté se mariait quasiment parfaitement avec les costumes des artistes du cirque. Cela avait beau arranger ses affaires, ce détail restait vexant, quand bien même il avait forcé la ressemblance en ne cachant pas la rangée de couteaux accrochés à sa ceinture. Lui qui détestait se déplacer désarmé pouvait s'en donner à coeur joie sous couvert d'être un lanceur de couteaux. Une excuse bien commode au cas où il serait découvert en train de fureter.
Il pouvait entendre au loin les mélodies du spectacle tandis que lui s'était écarté rapidement de la foule afin de gagner le côté "privé" des lieux. Il y avait une sécurité, juste assez pour offrir un peu de challenge au soldat, suffisamment discret pour qu'un oeil non averti ne le remarque pas. C'était pour cela qu'il était venu. Juste une petite mission de repérage car le cirque n'allait pas tarder à tenir un rôle important pour le clan. D'abord à cause des deux petits angelots qu'il abritait et, ensuite, à cause de sa propriétaire, Astoria. Amalrich restait convaincu que s'il arrivait à approcher de la vampire, il pourrait la convaincre du bien-fondé du clan des camélias. Il avait vu Astoria grandir et il savait qu'à présent la maîtresse des lieux était aussi déçue de Dorianne que lui l'avait été en son temps. S'il y arrivait, ce serait un poids supplémentaire dans la balance pour peut-être convaincre la véritable mère de la vampire, Primrose, d'en faire de même. Qui sait... C'était un coup qui méritait d'être tenté. Le seul problème était d'arriver jusqu'à Astoria, de créer une circonstance où ils ne risqueraient pas d'être dérangé par des loups. Un plan qui demandait une bonne connaissance du terrain et de la sécurité.
Amalrich était aux aguets, attentif au moindre bruit et la main prête à se saisir d'un des couteaux à sa ceinture au moindre bruit suspect. Ce qui ne tarda pas à se produire alors que le Prussien se tenait contre une roulotte en attendant des bruits de pas. Il attendit que le bruit se rapproche à sa portée. Ce fut rapide et précis. Le couteau coupa net la cigarette que l'humain tenait en bouche. On aurait pu croire qu'il s'agissait d'une erreur de visée alors que ce coup était destiné à servir de diversion pour le deuxième lancer, plus mortel. Un deuxième lancer qui n'arriva pas. Le soldat arrêta son geste en constatant qui il avait pris pour cible. Il baissa le bras qui tenait un autre couteau.
"Toutes mes excuses." Dit-il dans cette vieille manière de parler qui le caractérisait.
"Je ne vous avais pas vu." Un petit mensonge. Amalrich s'était approché en affichant le sourire et l'attitude de celui qui avait parfaitement le droit de se trouver là.
"L'enthousiasme de l'entraînement, vous savez." Un commentaire qui continuait à chercher à justifier son premier lancer tout en essayant d'en savoir plus sur sa malheureuse cible. Était-ce un employé du cirque ou un simple spectateur égaré ? En tout cas, le vampire se tenait prêt à agir si son mensonge ne prenait pas.
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